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in the mood for cinema - Page 3

  • Critique de PLEIN SOLEIL de René Clément à voir ce soir à 20H50 sur Ciné + Classic

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    Ma critique du jour : "PLEIN SOLEIL" de René Clément à voir ce soir sur Ciné plus Classic à 20H50.

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    (Photos prises lors de la projection de « Plein soleil » en copie restaurée dans le cadre du Festival de Cannes 2013.)

    Chaque année, la section Cannes Classics réserve de très belles surprises avec des projections de classiques du cinéma en copies restaurées. Il m’a fallu renoncer à quelques-unes (ah, les choix cornéliens entre les multiples projections cannoises !) mais s’il y en a bien une que je n’aurais manqué sous aucun prétexte, c’est celle de «Plein soleil » de René Clément, en présence d’Alain Delon, de retour à Cannes, trois ans après la projection du « Guépard » également en copie restaurée avec, alors, ce poignant écho entre le film de Visconti qui évoque la déliquescence d’un monde, et la réalité, et cette image que je n’oublierai jamais d’Alain Delon et Claudia Cardinale, se regardant sur l’écran, 47 ans auparavant, bouleversants et bouleversés.

    Alain Delon dit régulièrement de René Clément que c’est pour lui le plus grand réalisateur mais surtout le plus grand directeur d’acteurs au monde. Sa présence à l’occasion de la projection de « Plein soleil » à Cannes Classics était donc une évidence. L’acteur a par ailleurs tenu à ce qu’il ne s’agisse pas d’un hommage à Alain Delon mais d’un hommage à René Clément.

    Rappelons que Delon devait d’ailleurs au départ interpréter le rôle que Maurice Ronet jouera finalement et, malgré son jeune âge (24 ans alors), il avait réussi à convaincre Clément (et d’abord sa femme…) de le faire changer de rôle.

    C’est une longue ovation qui a accueilli Alain Delon dans la salle Debussy où a été projeté le film. Ce dernier était visiblement très ému par l’accueil qui lui avait été réservé lors de la montée des marches mais aussi dans la salle. Voici, ci-dessous en italique, avant ma critique du film, la retranscription de sa présentation du film, pleine d’émotion, d’humour et d’élégance. Un beau moment de cinéma et d’émotion.

    « C’est gentil de dire bravo et de m’applaudir mais attendez de voir le film, peut-être que vous allez être déçus, a-t-il répondu, avant de remercier son « très cher » Bertrand [Delanoe] et la Ministre de la Culture pour lui avoir fait « l’honneur et le bonheur » de l’accompagner dans la montée des marches. « C’est un grand moment pour moi. Je veux que vous sachiez que ma présence ici est avant tout un hommage, un hommage que je veux rendre à mon maître absolu, René, René Clément. Le 17 Mars passé, René aurait eu 100 ans et j’aurais tellement aimé qu’il soit là ce soir. Je sais qu’il aurait été bouleversé. « Plein soleil », ça a été mon 4ème film. Personne ne savait qui j’étais. Lorsque ce film est sorti il a fait la tour du monde et ça a été un triomphe, de l’Est à l’Ouest, de la Chine à l’Argentine, et ce film a été la base de toute ma carrière et ça je le dois à René qui m’a dirigé à ce moment-là comme personne. Tout de suite après, j’ai eu la chance de faire « Rocco et ses frères ». C’est après la vision de « Plein soleil » que Visconti a décidé « je veux que ce soit Alain Delon qui soit mon Italien du Sud ». J’avais plein de choses à dire mais là vous m’avez tellement coincé, dans la rue, ça a été extraordinaire donc vraiment merci René, merci de tout ce qu’il m’a donné car ce film, je n’aurais pas eu la chance de le faire en 1959, je ne sais pas où je serais, sûrement pas là ce soir. Après « Rocco et ses frères », il y a eu un autre Clément « Quelle joie de vivre » puis « Le Guépard ». Vous voyez qu’on peut commencer plus mal. Comme Luchino m’a toujours expliqué « la première chose qu’il faut c’est des bases » et avec Clément j’ai eu mes bases, voilà. Je voudrais avoir une pensée aussi ce soir pour quelqu’un qui m’était tellement cher qui est Maurice Ronet. Il riait tout le temps, il s’amusait de cela. Il disait « tu sais nous sommes les deux meilleurs amis du monde et dans tous les films il faut que tu me tues ». On n’a jamais compris mais c’était comme ça. Et puis une pensée pour Elvire Popesco qui fait une apparition qui était ma patronne et ma maîtresse de théâtre et enfin des gens que vous n’avez pas connus mais certains ici savent de qui je parle, les producteurs qui ont été formidables avec moi dans ce film et dans d’autres, ce sont les frères Robert et Raymond Hakim. Je vais vous laisser voir ce film que je qualifie d’exceptionnel, d’extraordinaire mais vraiment extra-ordinaire. Ceux qui ne l’ont pas vu vont comprendre, ceux qui l’ont déjà vu vont se le remémorer et vous verrez en plus une copie remasterisée. Vous allez voir ce qu’est un film remasterisé, on a l’impression qu’il a été tourné la semaine dernière. Bonne soirée. Bon film. Pour terminer, car je sais qu’il y a ici quelques sceptiques, quelques douteux, je voudrais simplement leur dire que l’acteur qui joue dans ce film le rôle de Tom Ripley, il y a 54 ans, c’est bien moi. »

    Quel acteur peut se vanter d’avoir tourné dans autant de chefs d’œuvre ? En tout cas, c’est avec « Le Cercle rouge », « Le Samouraï », « Monsieur Klein », « Le Guépard », « Rocco et ses frères », « La Piscine », « Plein soleil » que ma passion pour le cinéma est devenu joyeusement incurable… et cet acteur en reste pour moi indissociable.

    Dans ce film de 1960, Alain Delon est Tom Ripley, qui, moyennant 5000 dollars, dit être chargé par un milliardaire américain, M.Greenleaf, de ramener son fils Philippe (Maurice Ronet) à San Francisco, trouvant que ce dernier passe de trop longues vacances en Italie auprès de sa maîtresse Marge (Marie Laforêt). Tom est constamment avec eux, Philippe le traite comme son homme à tout faire, tout en le faisant participer à toutes ses aventures sans cesser de le mépriser. Mais Tom n’est pas vraiment l’ami d’enfance de Philippe qu’il dit être et surtout il met au point un plan aussi malin que machiavélique pour usurper l’identité de Philippe.

    « Plein soleil » est une adaptation d’un roman de Patricia Highsmith (écrite par Paul Gégauff et René Clément) et si cette dernière a été très souvent adaptée (et notamment le roman le « Talentueux Monsieur Ripley » titre originel du roman de Patricia Highsmith qui a fait l’objet de très nombreuses adaptations et ainsi en 1999 par Anthony Minghella avec Matt Damon dans le rôle de Tom Ripley), le film de René Clément était selon elle le meilleur film tiré d’un de ses livres.

    Il faut dire que le film de René Clément, remarquable à bien des égards, est bien plus qu’un thriller. C’est aussi l’évocation de la jeunesse désinvolte, oisive, désœuvrée, égoïste, en Italie, qui n’est pas sans rappeler la « Dolce vita » de Fellini.

    Cette réussite doit beaucoup à la complexité du personnage de Tom Ripley et à celui qui l’incarne. Sa beauté ravageuse, son identité trouble et troublante, son jeu polysémique en font un être insondable et fascinant dont les actes et les intentions peuvent prêter à plusieurs interprétations. Alain Delon excelle dans ce rôle ambigu, narcissique, où un tic nerveux, un regard soudain moins assuré révèlent l’état d’esprit changeant du personnage. Un jeu double, dual comme l’est Tom Ripley et quand il imite Philippe (Ronet) face au miroir avec une ressemblance à s’y méprendre, embrassant son propre reflet, la scène est d’une ambivalente beauté. Si « Plein soleil » est le quatrième film d’Alain Delon, c’est aussi son premier grand rôle suite auquel Visconti le choisit pour « Rocco et ses frères ». Sa carrière aurait-elle était la même s’il avait joué le rôle de Greenleaf qui lui avait été initialement dévolu et s’il n’avait insisté pour interpréter celui de Tom Ripley ? En tout cas, avec « Plein soleil » un mythe était né et Delon depuis considère toujours Clément comme son « maître absolu ». Ils se retrouveront d’ailleurs peu après pour les tournages de « Quelle joie de vivre » (1960), « Les Félins » (1964) et enfin « Paris brûle-t-il ? » en 1966.

    Face à lui, Ronet est cynique et futile à souhait. Le rapport entre les deux personnages incarnés par Delon et Ronet est d’ailleurs similaire à celui qu’ils auront dans « La Piscine » de Jacques Deray 9 ans plus tard, le mépris de l’un conduisant pareillement au meurtre de l’autre. Entre les deux, Marge se laisse éblouir par l’un puis par l’autre, victime de ce jeu dangereux mais si savoureux pour le spectateur qui ne peut s’empêcher de prendre fait et cause pour l’immoral Tom Ripley.

    L’écriture et la réalisation de Clément procurent un caractère intemporel à ce film de 1960 qui apparaît alors presque moins daté et plus actuel que celui de Minghella qui date pourtant de 1999 sans compter la modernité du jeu des trois acteurs principaux qui contribue également à ce sentiment de contemporanéité.

    « Plein soleil » c’est aussi la confrontation entre l’éternité et l’éphémère, la beauté éternelle et la mortalité, la futilité pour feindre d’oublier la finitude de l’existence et la fugacité de cette existence.

    Les couleurs vives avec lesquelles sont filmés les extérieurs renforcent cette impression de paradoxe, les éléments étant d’une beauté criminelle et trompeuse à l’image de Tom Ripley. La lumière du soleil, de ce plein soleil, est à la fois élément de désir, de convoitise et le reflet de ce trouble et de ce mystère. Une lumière si bien mise en valeur par le célèbre chef opérateur Henri Decaë sans oublier la musique de Nino Rota et les sonorités ironiquement joyeuses des mandolines napolitaines. L’éblouissement est celui exercé par le personnage de Tom Ripley qui est lui-même fasciné par celui dont il usurpe l’identité et endosse la personnalité. Comme le soleil qui à la fois éblouit et brûle, ils sont l’un et l’autre aussi fascinants que dangereux. La caméra de Clément enferme dans son cadre ses personnages comme ils le sont dans leurs faux-semblants.

    Acte de naissance d’un mythe, thriller palpitant, personnage délicieusement ambigu, lumière d’été trompeusement belle aux faux accents d’éternité, « Plein soleil » est un chef d’œuvre du genre dans lequel la forme coïncide comme rarement avec le fond, les éléments étant la métaphore parfaite du personnage principal. « Plein soleil », un film trompeusement radieux par lequel je vous conseille vivement de vous laisser éblouir !

  • Critique de CASABLANCA de Michael Curtiz à voir à 23H10 sur France 2 ce 7 avril 2019

    Ma critique cinéma du week-end : CASABLANCA de Michael Curtiz à voir demain à 23H10 sur France 2.

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    On ne présente plus « Casablanca » ni Rick Blaine (Humphrey Bogart), le mystérieux propriétaire du bigarré Café Américain. Nous sommes en 1942, à Casablanca, là où des milliers de réfugiés viennent et échouent des quatre coins de l’Europe, avec l’espoir fragile d’obtenir un visa pour pouvoir rejoindre les Etats-Unis. Casablanca est alors sous le contrôle du gouvernement de Vichy. Deux émissaires nazis porteurs de lettres de transit sont assassinés. Ugarte (Peter Lorre), un petit délinquant, les confie à Rick alors qu’il se fait arrêter dans son café. C’est le capitaine Renault (Claude Rains), ami et rival de Rick, qui est chargé de l’enquête tandis qu’arrive à Casablanca un résistant du nom de Victor Laszlo (Paul Henreid). Il est accompagné de sa jeune épouse : la belle Ilsa (Ingrid Bergman). Rick reconnaît en elle la femme qu’il a passionnément aimée, à Paris, deux ans auparavant…

    Casablanca est un film qui contient plusieurs films, plusieurs histoires potentielles esquissées ou abouties, plusieurs styles et tant de destins qui se croisent.
    Plusieurs films d’abord. Casablanca est autant le portrait de cette ville éponyme, là où tant de nationalités, d’espoirs, de désespoirs se côtoient, là où l’on conspire, espère, meurt, là où la chaleur et l’exotisme ne font pas oublier qu’un conflit mondial se joue et qu’il est la seule raison pour laquelle des êtres si différents s'y retrouvent et parfois s’y perdent.
    C’est ensuite évidemment l’histoire de la Résistance, celle de la collaboration, l’Histoire donc.
    Et enfin une histoire d’amour sans doute une des plus belles qui ait été écrite pour le cinéma. De ces trois histoires résultent les différents genres auxquels appartient ce film : vibrante histoire d’amour avant tout évidemment, mais aussi comédie dramatique, film noir, mélodrame, thriller, film de guerre.
    Peu importe le style auquel il appartient, ce qui compte c’est cette rare alchimie. Cette magie qui, plus de 70 ans après, fait que ce film est toujours aussi palpitant et envoûtant.

    L’alchimie provient d’abord du personnage de Rick, de son ambiguïté. En apparence hautain, farouche individualiste, cynique, velléitaire, amer, il se glorifie ainsi de « ne jamais prendre parti », de « ne prendre de risque pour personne » et dit qu’ « alcoolique » est sa nationalité ; il se révèle finalement patriote, chevaleresque, héroïque, déterminé, romantique. Evidemment Humphrey Bogart avec son charisme, avec son vieil imper ou son costume blanc (qui reflètent d’ailleurs le double visage du personnage), sa voix inimitable, sa démarche nonchalante, ses gestes lents et assurés lui apporte un supplément d’âme, ce mélange de sensibilité et de rudesse qui n’appartient qu’à lui. Un personnage aux mille visages, chacun l’appelant, le voyant aussi différemment. Auparavant surtout connu pour ses rôles de gangsters et de détectives, Humphrey Bogart était loin d’être le choix initial (il fut choisi après le refus définitif de George Raft) tout comme Ingrid Bergman d’ailleurs (Michèle Morgan, notamment, avait d’abord été contactée), de même que le réalisateur Michael Curtiz n’était pas le choix initial de la Warner qui était William Wyler. On imagine désormais mal comment il aurait pu en être autrement tant tous concourent à créer cette alchimie…
    Ensuite cette alchimie provient évidemment du couple que Bogart forme avec Ingrid Bergman qui irradie littéralement l’écran, fragile, romanesque, nostalgique, mélancolique notamment grâce à une photographie qui fait savamment briller ses yeux d’une tendre tristesse. Couple romantique par excellence puisque leur amour est rendu impossible par la présence du troisième personnage du triangle amoureux qui se bat pour la liberté, l’héroïque Victor Laszlo qui les place face à de cruels dilemmes : l’amour ou l’honneur. Leur histoire personnelle ou l’Histoire plus grande qu’eux qui tombent « amoureux quand le monde s’écroule ». L’instant ou la postérité.
    Et puis il y a tous ces personnages secondaires : Sam (Dooley Wilson), le capitaine Renault, … ; chacun incarnant un visage de la Résistance, de la collaboration ou parfois une attitude plus ambiguë à l’image de ce monde écartelé et divisé dont Casablanca est l’incarnation.
    Concourent aussi à cette rare alchimie ces dialogues, ciselés, qui, comme le personnage de Rick oscillent entre romantisme noir et humour acerbe : « de tous les bistrots, de toutes les villes du monde c’est le mien qu’elle a choisi ». Et puis ces phrases qui reviennent régulièrement comme la musique de Sam, cette manière nonchalante, presque langoureuse que Rick a de dire « Here’s looking at you, kid » .

    Et comme si cela n’était pas suffisant, la musique est là pour achever de nous envoûter. Cette musique réminiscence de ces brefs instants de bonheur à Paris, entre Rick et Ilsa, à « La Belle Aurore » quand l’ombre ne s’était pas encore abattue sur le destin et qu’il pouvait encore être une « belle aurore », ces souvenirs dans lesquels le « Play it again Sam » les replonge lorsque Ilsa implore Sam de rejouer ce morceau aussi célèbre que le film : « As time goes by » ( la musique est signée Max Steiner mais « As time goes by » a été composée par Herman Hupfeld en 1931 même si c’est « Casablanca » qui l’a faîte réellement connaître).
    Et puis il y a la ville de Casablanca d’une ensorcelante incandescence qui vibre, grouille, transpire sans cesse de tous ceux qui s’y croisent, vivent de faux-semblants et y jouent leurs destins : corrompus, réfugiés, nazis, collaborateurs… .

    La réalisation de Michael Curtiz est quant à elle élégante, sobre, passant d’un personnage à l’autre avec beaucoup d’habileté et de fluidité, ses beaux clairs obscurs se faisant l’écho des zones d’ombre des personnages et des combats dans l’ombre et son style expressionniste donnant des airs de film noir à ce film tragique d’une beauté déchirante. Un film qui comme l’amour de Rick et Ilsa résiste au temps qui passe.teurs ne connaissaient d’ailleurs pas au début et qui fut décidée au cours du tournage, cette fin qui fait de « Casablanca » sans doute une des trois plus belles histoires d’amour de l’histoire du cinéma. Le tournage commença ainsi sans scénario écrit et Ingrid Bergman ne savait alors pas avec qui son personnage partirait à la fin, ce qui donne aussi sans doute à son jeu cette intrigante ambigüité. Cette fin jusqu’à laquelle l’incertitude est jubilatoire pour le spectateur) qui rend cette histoire d’amour intemporelle et éternelle. Qui marque le début d’une amitié et d’un engagement (le capitaine Renault jetant la bouteille de Vichy, symbole du régime qu’il représentait jusqu’alors) et est clairement en faveur de l’interventionnisme américain, une fin qui est aussi un sacrifice, un combat pour la liberté qui subliment l’histoire d’amour, exhalent et exaltent la force du souvenir (« nous aurons toujours Paris ») et sa beauté mélancolique.
    La réalisation de Michael Curtiz est quant à elle élégante, sobre, passant d’un personnage à l’autre avec beaucoup d’habileté et de fluidité, ses beaux clairs obscurs se faisant l’écho des zones d’ombre des personnages et des combats dans l’ombre et son style expressionniste donnant des airs de film noir à ce film tragique d’une beauté déchirante. Un film qui, comme l’amour de Rick et Ilsa, résiste au temps qui passe.

    Le tout concourant à ce romantisme désenchanté, cette lancinance nostalgique et à ce que ce film soit régulièrement classé comme un des meilleurs films du cinéma mondial. En 1944, il fut ainsi couronné de trois Oscars (meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleur film) et l’American Film Institute, en 2007, l’a ainsi classé troisième des cents meilleurs films américains de l’Histoire derrière l’indétrônable « Citizen Kane » et derrière « Le Parrain ».


    Le charme troublant de ce couple de cinéma mythique et le charisme ensorcelant de ceux qui les incarnent, la richesse des personnages secondaires, la cosmopolite Casablanca, la musique de Max Steiner, la voix de Sam douce et envoûtante chantant le nostalgique « As time goes by », la menace de la guerre lointaine et si présente, la force et la subtilité du scénario (signé Julius et Philip Epstein d’après la pièce de Murray Burnett et Joan Alison « Everybody comes to Rick’s »), le dilemme moral, la fin sublime, l’exaltation nostalgique et mélancolique de la force du souvenir et de l’universalité de l’idéalisme (amoureux, résistant) et du combat pour la liberté font de ce film un chef d’œuvre…et un miracle quand on sait à quel point ses conditions de tournage furent désastreuses.
    La magie du cinéma, tout simplement, comme le dit Lauren Bacall : « On a dit de Casablanca que c’était un film parfait évoquant l’amour, le patriotisme, le mystère et l’idéalisme avec une intégrité et une honnêteté que l’on trouve rarement au cinéma. Je suis d’accord. Des générations se plongeront dans le drame du Rick’s Café Américain. Et au fil du temps, le charme de Casablanca, de Bogey et de Bergman continuera à nous ensorceler. C’est ça, la vraie magie du cinéma ».


    Un chef d’œuvre à voir absolument. A revoir inlassablement. Ne serait-ce que pour entendre Sam (Dooley Wilson) entonner « As time goes by » et nous faire chavirer d’émotion …

  • Critique de LA PISCINE de Jacques Deray à voir ce soir à 20H50 sur Ciné + Classic

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    Ma critique du jour : "La piscine" de Jacques Deray à voir à 20h50 sur Ciné + Classic. Ce film date de 1968: c’est déjà tout un programme. Il réunit Maurice Ronet, Alain Delon, Romy Schneider, Jane Birkin dans un huis-clos sensuel et palpitant: ce quatuor est déjà une belle promesse.


    Marianne (Romy Schneider) et Jean-Paul (Alain Delon) passent en effet des vacances en amoureux dans la magnifique villa qui leur a été prêtée sur les hauteurs de Saint-Tropez. L’harmonie est rompue lorsqu’arrive Harry (Maurice Ronet), ami de Jean-Paul et de Marianne chez lequel ils se sont d’ailleurs rencontrés, cette dernière entretenant le trouble sur la nature de ses relations passées avec Harry. Il arrive accompagné de sa fille de 18 ans, la gracile et nonchalante Pénélope (Jane Birkin).


    « La piscine » fait partie de ces films que l’on peut revoir un nombre incalculable de fois (du moins que je peux revoir un nombre incalculable de fois) avec le même plaisir pour de nombreuses raisons mais surtout pour son caractère intelligemment elliptique et son exceptionnelle distribution et sa remarquable direction d’acteurs.
    Dès les premières secondes, la sensualité trouble et la beauté magnétique qui émanent du couple formé par Romy Schneider et Alain Delon, la langueur que chaque plan exhale plonge le spectateur dans une atmosphère particulière, captivante. La tension monte avec l’arrivée d’Harry et de sa fille, menaces insidieuses dans le ciel imperturbablement bleu de Saint-Tropez. Le malaise est palpable entre Jean-Paul et Harry qui rabaisse sans cesse le premier, par une parole cinglante ou un geste méprisant, et qui s’impose comme si tout et tout le monde lui appartenait, comme si rien ni personne ne lui résistait.


    Pour tromper le langoureux ennui de l’été, un jeu périlleusement jubilatoire de désirs et de jalousies va alors commencer, entretenu par chacun des personnages, au péril du fragile équilibre de cet été en apparence si parfait et de leur propre fragile équilibre, surtout celui de Jean-Paul, interprété par Alain Delon qui, comme rarement, incarne un personnage vulnérable à la sensualité non moins troublante.

    L’ambiguïté est distillée par touches subtiles : un regard fuyant ou trop insistant, une posture enjôleuse, une main effleurée, une allusion assassine. Tout semble pouvoir basculer dans le drame d’un instant à l’autre. La menace plane. L’atmosphère devient de plus en plus suffocante.


    Dès le début tout tourne autour de la piscine : cette eau bleutée trompeusement limpide et cristalline autour de laquelle ils s’effleurent, se défient, s’ignorent, s’esquivent, se séduisent autour de laquelle la caméra virevolte, enserre, comme une menace constante, inéluctable, attirante et périlleuse comme les relations qui unissent ces 4 personnages. Harry alimente constamment la jalousie et la susceptibilité de Jean-Paul par son arrogance, par des allusions à sa relation passée avec Marianne que cette dernière a pourtant toujours niée devant Jean-Paul. Penelope va alors devenir l’instrument innocent de ce désir vengeur et ambigu puisqu’on ne sait jamais vraiment si Jean-Paul la désire réellement, s’il désire atteindre Harry par son biais, s’il désire attiser la jalousie de Marianne, probablement un peu tout à la fois, et probablement aussi se raccrochent-ils l’un à l’autre, victimes de l’arrogance, la misanthropie masquée et de la désinvolture de Harry. C’est d’ailleurs là que réside tout l’intérêt du film : tout insinuer et ne jamais rien proclamer, démontrer. Un dialogue en apparence anodin autour de la cuisine asiatique et de la cuisson du riz alors que Jean-Paul et Penelope reviennent d’un bain nocturne ne laissant guère planer de doutes sur la nature de ce bain, Penelope (dé)vêtue de la veste de Jean-Paul dans laquelle elle l’admirait de dos, enlaçant Marianne, quelques jours auparavant, est particulièrement symptomatique de cet aspect du film, cette façon d’insinuer, cette sensualité trouble et troublante, ce jeu qui les dépasse.

    Cette scène entremêle savoureusement désirs et haines latents. Les regards de chacun : respectivement frondeurs, évasifs, provocants, dignes, déroutés… font que l’attention du spectateur est suspendue à chaque geste, chaque ton, chaque froncement de sourcils, accroissant l’impression de malaise et de fatalité inévitable.
    Aucun des 4 personnages n’est délaissé, la richesse de leurs psychologies, de la direction d’acteurs font que chacune de leurs notes est indispensable à la partition. La musique discrète et subtile de Michel Legrand renforce encore cette atmosphère trouble. Chacun des 4 acteurs est parfait dans son rôle : Delon dans celui de l’amoureux jaloux, fragile, hanté par de vieux démons, d’une sensualité à fleur de peau, mal dans sa peau même, Romy Schneider dans celui de la femme sublime séductrice dévouée, forte, provocante et maternelle, Jane Birkin dont c’est le premier film français dans celui de la fausse ingénue et Maurice Ronet dans celui de l’ « ami » séduisant et détestable, transpirant de suffisance et d’arrogance…et la piscine, incandescente à souhait, véritable « acteur ». Je ne vous en dirai pas plus pour ne pas lever le voile sur les mystères qui entourent ce film et son dénouement.
    Deray retrouvera ensuite Delon à 8 reprises notamment dans « Borsalino », « Flic story », « Trois hommes à abattre »… mais « La piscine » reste un film à part dans la carrière du réalisateur qui mettra en scène surtout un cinéma de genre.

    Neuf ans après « Plein soleil » de René Clément (que je vous recommande également), la piscine réunit donc de nouveau Ronet et Delon, les similitudes entres les personnages de ces deux films sont d’ailleurs nombreuses et le duel fonctionne de nouveau à merveille.


    Un chef-d’œuvre dont le « Swimming pool » de François Ozon apparaissait comme une copie détournée, certes réussie mais moins que l’original, aucun cinéaste n’ayant réussi à susciter la même incandescence trouble.
    Un film sensuel porté par des acteurs magistraux, aussi fascinants que cette eau bleutée fatale, un film qui se termine par une des plus belles preuves d’amour que le cinéma ait inventé. A voir et à revoir. Plongez dans les eaux troubles de cette « piscine » sans attendre une seconde …à vos risques et périls.

  • Un livre, deux adaptations : critiques des films "Gatsby le magnifique" de Jack Clayton et de Baz Luhrmann

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    A l'occasion de la diffusion ce soir sur Ciné + Classic de "Gatsby le magnifique" de Jack Clayton, je vous propose ma critique du film ainsi que celle de l'adaptation de Baz Luhrmann.

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    Adapté en 1974 du chef d'œuvre de Fizgerald, le film (comme le roman) se déroule dans la haute aristocratie américaine. Une vraie gageure d'adapter ce sublime roman( sans doute un de ceux que j'ai le plus relus) qui évite toujours soigneusement la mièvrerie et assume le romantisme effréné et exalté (mais condamné) de son personnage principal.

    Eté 1920. Nick Carraway (Sam Waterston), jeune homme du Middlewest américain se rend à New York pour travailler comme agent de change.  C'est dans la zone huppée de Long Island qu'il trouve une maison, juste à côté de la somptueuse demeure du mystérieux Gatsby (Robert Redford) et avec une vue imprenable sur East Egg où vivent sa cousine Daisy (Mia Farrow) et son mari Tom Buchanan (Bruce Dern) . Daisy  s'ennuie avec son mari bourru qui la trompe ouvertement et elle tue le temps avec son amie la golfeuse professionnelle Jordan Baker. Tom présente même à Nick  sa maîtresse Myrtle Wilson (Karen Black), la femme du garagiste. Tous s'étonnent que Nick ne connaisse pas son voisin Jay Gatsby qui donne des réceptions somptueuses avec des centaines d'invités et sur le compte de qui courent les rumeurs les plus folles. C'est en répondant à une des invitations de son mystérieux voisin que Nick va faire ressurgir le passé liant sa cousine Daisy à l'étrange et séduisant Jay Gatsby.

    Dès les premières minutes, ce film exerce la même fascination sur le spectateur que le personnage de Jay Gatsby sur ceux qui le côtoient ou l'imaginent. La magnificence crépusculaire  de la photographie et la langueur fiévreuse qui étreint les personnages nous laissent entendre que tout cela s'achèvera dans le drame mais comme Nick nous sommes fascinés par le spectacle auquel nous souhaitons assister jusqu'au dénouement. Jay Gatsby n'apparaît qu'au bout de vingt minutes, nous nous trouvons alors dans la même situation que Nick qui ne le connaît que par sa réputation : on dit qu'il «  a tué un homme » et qu'il n'apparaît jamais aux fêtes somptueuses qu'il donne dans une joyeuse décadence.

    Comme dans le roman de Fitzgerald, le film de Jack Clayton dépeint brillamment l'ennui de la haute aristocratie américaine grâce à plusieurs éléments : l'élégance romantique et le jeu de Robert Redford ( difficile après avoir vu le film d'imaginer autrement le personnage de Gatsby qu'il incarne à la perfection), le scénario impeccable signé Francis Ford Coppola, une photographie éblouissante qui évoque à la fois la nostalgie et la chaleur éblouissantes, une interprétation de Mia Farrow entre cruauté, ennui, insouciance et même folie, l'atmosphère nostalgique et fiévreuse (la sueur perle en permanence sur le front des personnages comme une menace constante), et puis bien sûr l'adaptation du magnifique texte de Fitzgerald : « La poussière empoisonnée flottant sur ses rêves » ou cette expression de « nuages roses » qui définit si bien le ton du roman et du film. Avec l'amertume dissimulée derrière l'apparente légèreté. La mélancolie et le désenchantement derrière la désinvolture. Il faut aussi souligner l'excellence des seconds rôles et notamment de Karen Black aussi bien dans la futilité que lorsqu'elle raconte sa rencontre avec Tom Buchanan.

     « Gatsby le magnifique » est à la fois une critique de l'insouciance cruelle et de la superficialité de l'aristocratie que symbolise Daisy, c'est aussi le portrait fascinant d'un homme au passé troublant, voire trouble et à l'aura romantique dont la seule obsession est de ressusciter le passé et qui ne vit que pour satisfaire son amour inconditionnel et aveugle. (Ah la magnifique scène où Jay et Daisy dansent dans une pièce vide éclairée à la bougie !) Face à lui Daisy, frivole et lâche, qui préfère sa réputation et sa richesse à Gatsby dont la réussite sociale n'avait d'autre but que de l'étonner et de poursuivre son rêve qui pour lui n'avait pas de prix. Gatsby dont par bribes  la personnalité se dessine : par sa manie d'appeler tout le monde « vieux frère », par ses relations peu recommandables, par le portrait qu'en dresse son père après sa mort, un père qu'il disait riche et mort. Pour Daisy, la richesse est un but. Pour  Jay, un moyen (de la reconquérir). Elle qui ne sait que faire des 30 années à venir où il va falloir tuer le temps.

    Les deux êtres pour qui l'argent n'étaient qu'un moyen et non une fin et capables d'éprouver des sentiments seront condamnés par une société pervertie et coupable de désinvolture et d'insouciance. Un film de contrastes. Entre le goût de l'éphémère de Daisy et celui de l'éternité de Gatsby. Entre la réputation sulfureuse de Gatsby et la pureté de ses sentiments. Entre la fragilité apparente de Daisy et sa cruauté. Entre la douce lumière d'été et la violence des sentiments. Entre le luxe dans lequel vit Gatsby et son désarroi. Entre son extravagance apparente et sa simplicité réelle. Entre la magnificence de Gatsby et sa naïveté. Et tant d'autres encore. Des contrastes d'une douloureuse beauté.

    C'est à travers le regard sensible et lucide de Nick qui seul semble voir toute l'amertume, la vanité, et la beauté tragique de l'amour, mélancolique, pur et désenchanté, que Gatsby porte à Daisy que nous découvrons cette histoire tragique dont la prégnante sensation ne nous quitte pas et qui nous laisse avec l'irrésistible envie de relire encore et encore le chef d'œuvre de Fitzgerald et de nous laisser dangereusement griser par l'atmosphère de chaleur écrasante, d'extravagance et d'ennui étrangement mêlés dans une confusion finalement criminelle. Un film empreint de la fugace beauté de l'éphémère et de la nostalgie désenchantée qui portent le fascinant et romanesque Gatsby. A (re)voir absolument.

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    Ci-dessous ma critique de "Gatsby" de Baz Luhrmann, film vu en ouverture du Festival de Cannes 2013 (et publiée suite à cette ouverture) avec, également, mon avis sur cette ouverture.

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    Chaque année, au fur et à mesure que les jours avancent et que la clôture du Festival de Cannes se rapproche, la barrière entre la fiction et la réalité s’amenuise, transformant chaque journée et chaque seconde en une troublante, délicieuse, enivrante et perturbante confusion… Cette année, pour cette 66ème édition qui s’annonce décidément exceptionnelle à tous points de vue, cette vertigineuse et grisante sensation s’est emparée de moi dès le premier jour avec, en film d’ouverture, « Gatsby le magnifique » de Baz Luhrmann, nouvelle adaptation de l’intemporel roman de Francis Scott Fitzgerald,  miroir de Cannes, de la mélancolie et de la solitude, sans doute, de quelques uns, derrière le faste, la fête, les éblouissements.

    Mais avant cela, il y a eu cette musique, dans le Grand Théâtre Lumière qui annonce la cérémonie d’ouverture et, qui, pour la 13ème année consécutive, sans que mon enthousiasme soit entamé (bien au contraire) a réussi à me faire frissonner d’impatience et de plaisir.  Avant, il y a eu la voix douce d’Audrey Tautou qui, dans une élégante robe blanche, simple et raffinée, à son image, le souffle à peine coupé, de sa voix à la fois fragile et assurée, a présenté la cérémonie. Enthousiaste, resplendissante, glamour, pétillante Audrey Tautou qui, contrairement à d’autres lors de précédentes éditions, a eu la bonne idée d’écrire son texte elle-même…et j’en tremblais pour elle devant le public sans doute le plus difficile qui soit dans cette salle en effet vertigineuse. Le prestige de l’évènement ne lui a en rien fait perdre ses moyens. Elle nous a rappelé, avec justesse, les beaux paradoxes cannois, que derrière « son air frivole », c’est la « plus fervente manifestation du 7ème art », que le festival est là pour nous « offrir du rêve » et aussi « nous faire voir la vérité ». Elle nous a aussi parlé d’émotions, de cœurs entrainés, charmés, renversés etc, de ses premières émotions cinématographiques. Et puis il y a eu la standing ovation à Steven Spielberg, la présentation de son éclectique et splendide jury, l’aperçu des films de la sélection qui m’ont rappelé pourquoi j’aimais Cannes et le cinéma. Et pourquoi je les aimais à la folie.

    A peine le temps de comprendre que tout cela était réel, quoique pas tout à fait en apparence, que déjà Gatsby nous emportait dans son tourbillon mélancolique et festif (certains, certainement, songeant déjà à leurs « tweets grincheux », trop rarement joyeux). Je redoutais beaucoup cette adaptation, appréciant beaucoup celle de Jack Clayton (Robert Redford étant pour moi à jamais Gatsby) et aimant inconditionnellement ce sublime roman qui évite toujours soigneusement la mièvrerie et assume le romantisme effréné et exalté (mais condamné) de son personnage principal. Je redoutais surtout que Baz Luhrmann ne dénature totalement le roman en voulant le vulgariser.

    Le  film a été projeté en 3D. C’était la deuxième fois dans l’histoire du Festival après « Up » (« Là-Haut ») de Pete Docter, en  2009, que le film d’ouverture faisait l’objet d’une projection en relief.

    Printemps 1922. L’époque est propice au relâchement des moeurs, à l’essor du jazz et à l’enrichissement des contrebandiers d’alcool… Apprenti écrivain, Nick Carraway (Tobey Maguire » quitte la région du Middle-West pour s’installer à New York. Voulant sa part du rêve américain, il vit désormais entouré d’un mystérieux millionnaire, Jay Gatsby (Leonardo DiCaprio), qui s’étourdit en fêtes mondaines, et de sa cousine Daisy ( Carey Mulligan) et de son mari volage, Tom Buchanan, issu de sang noble. C’est ainsi que Nick se retrouve au coeur du monde fascinant des milliardaires, de leurs illusions, de leurs amours et de leurs mensonges.

    Dans l’adaptation de Clayton (rappelons que le scénario de cette précédente adaptation était écrit par Coppola), je me souviens de la magnificence crépusculaire de la photographie et de la langueur fiévreuse qui étreignait les personnages et nous laissaient entendre que tout cela s’achèverait dans le drame. Ici, c’est plus implicite même si de la fête émane toujours une certaine mélancolie. C’est d’ailleurs ce qui semble avoir déçu une grande partie des festivaliers hier qui s’attendaient sans doute à une joyeuse flamboyance…et, c’est selon moi, au contraire, toute la réussite de cette adaptation que de retranscrire la flamboyance de l’univers de Gatsby sans dissimuler totalement la mélancolie et même la tristesse qui affleurent dans cette débauche festive. L’amertume dissimulée derrière l’apparente légèreté. La mélancolie et le désenchantement derrière la désinvolture.

    Là aussi, Jay Gatsby n’apparaît qu’au bout de vingt minutes, voire plus.  Nous nous trouvons alors dans la même situation que Nick qui ne le connaît que par sa réputation : on dit qu’il « a tué un homme » et qu’il n’apparaît jamais aux fêtes somptueuses qu’il donne dans une joyeuse décadence.

    « Gatsby le magnifique » est à la fois une critique de l’insouciance cruelle et de la superficialité de l’aristocratie que symbolise Daisy, c’est aussi le portrait fascinant d’un homme au passé troublant, voire trouble et à l’aura romantique dont la seule obsession est de ressusciter le passé et qui ne vit que pour satisfaire son amour inconditionnel et aveugle. (Je me souvenais de la magnifique scène où Jay et Daisy dansaient dans une pièce vide éclairée à la bougie, dans le film de Clayton,  moins réussie ici). Face à lui Daisy, frivole et lâche, qui préfère sa réputation et sa richesse à Gatsby  dont la réussite sociale n’avait d’autre but que de l’étonner et de poursuivre son rêve qui pour lui n’avait pas de prix. Gatsby dont par bribes la personnalité se dessine : par sa manie d’appeler tout le monde « vieux frère », par ses relations peu recommandables. Pour Daisy, la richesse est un but (même si elle me parait moins frivole que dans le roman de Fitzgerald et que dans l’adaptation de Clayton). Pour Jay, un moyen (de la reconquérir). Elle qui ne sait que faire des 30 années à venir où il va falloir tuer le temps.

    Gatsby est une histoire de contrastes. Entre le goût de l’éphémère de Daisy et celui de l’éternité de Gatsby. Entre la réputation sulfureuse de Gatsby et la pureté de ses sentiments. Entre la fragilité apparente de Daisy et sa cruauté. Entre la douce lumière d’été et la violence des sentiments. Entre le luxe dans lequel vit Gatsby et son désarroi. Entre son extravagance apparente et sa simplicité réelle. Entre la magnificence de Gatsby et sa naïveté. Et tant d’autres encore. Des contrastes d’une douloureuse beauté dans le roman, et dans l’adaptation de Clayton dont la mise en scène (trop rare) est la réussite du film de Luhrmann (comme ces plans de Gatsby seul sur son ponton) davantage que les fastueuses et non moins réussies scènes de fête qui ne comblent pas le vide de l’existence de Gatsby.

    C’est à travers le regard sensible et lucide de Nick qui seul semble voir toute l’amertume, la vanité, et la beauté tragique de l’amour, mélancolique, pur et désenchanté, que Gatsby porte à Daisy que nous (re)découvrons cette histoire tragique. Bien que le connaissant par cœur, j’en suis ressortie avec l’irrésistible envie de relire encore et encore le chef d’œuvre de Fitzgerald, une nouvelle fois bouleversée par cette histoire d’amour absolu, d’illusions perdues, de bal des apparences, de solitude, de lâcheté, de cruauté (oui, il y a tout cela dans Gatsby) et avec l’irrésistible envie de  me laisser dangereusement griser par l’atmosphère de chaleur écrasante, d’extravagance et d’ennui étrangement mêlés dans une confusion finalement criminelle.

    Mia Farrow interprétait Daisy entre cruauté, ennui, insouciance et même folie. La Daisy de Carey Mulligan est moins déjantée, presque moins pitoyable. Si Gatsby restera pour moi à jamais Robert Redford, Leonardo DiCaprio, une fois de plus, excelle, et est un Gatsby bouleversant, énigmatique, mélancolique, fragile, charismatique, avec ce sourire triste, si caractéristique du personnage. Il incarne magnifiquement celui qui est pour moi un des plus beaux personnages de la littérature. Le talent de Leonardo Di Caprio n’est plus à prouver : que ce soit dans « Les Noces rebelles« , « Inception » ,  « Shutter Island« ou, plus récemment dans « Django unchained »  , il crève invariablement l’écran et prouve aussi son intelligence par ses judicieux choix de rôles.

    Ont participé à la B.O du film: Lana Del Rey, Beyoncé x André 3000, Florence + The Machine, will.i.am, The xx, Fergie + Q Tip + GoonRock, et The Bryan Ferry Orchestra … Ces anachronismes et cette volonté de moderniser un roman et des sentiments de toute façon intemporel  restent ici (heureusement) mesurés.

    Un film, comme celui de Clayton, empreint de la fugace beauté de l’éphémère et de la nostalgie désenchantée que représente le fascinant et romanesque Gatsby auxquelles Baz Luhrmann ajoute une mélancolique flamboyance. Il n’a pas dénaturé l’essence du roman, en choisissant justement de modérer ses envolées musicales.

    Relisez le magnifique texte de Fitzgerald, ne serait-ce que pour « La poussière empoisonnée flottant sur ses rêves » ou cette expression de « nuages roses » qui définit si bien le ton du roman et du film et revoyez l’adaptation de Jack Clayton …mais ne passez pas non plus à côté de celle-ci qui ne déshonore pas la beauté de ce roman bouleversant sur l’amour absolu, la solitude et les illusions perdues derrière le faste et la multitude, et qui ici, et en particulier hier soir, prenait une étrange résonance devant tous ces acteurs qui, sans doute, connaissent ces rêves inaccessibles (ou les rêves accomplis qui ne guérissent ni l’amertume ni la solitude) et de cruelles désillusions, la mélancolie et la solitude dans la fête et la multitude, peut-être même celui qui incarne Gatsby dont le nom toute la journée, n’a cessé d’être murmuré et hurlé sur la Croisette et qui, peut-être, s’est parfois senti comme Gatsby, dans une troublante confusion (nous y revenons) entre la fiction et la réalité.  Belle mise en abyme pour une ouverture et un film d’ouverture mêlant flamboyance, grand spectacle, mélancolie…

  • Critique de CAPHARNAÜM de Nadine Labaki (présidente du jury Un Certain Regard - Cannes 2019)

    Le Festival de Cannes a annoncé aujourd'hui que la cinéaste libanaise Nadine Labaki présiderait le jury Un Certain Regard du Festival de Cannes 2019, l'occasion de vous parler à nouveau de "Capharnaüm" pour lequel elle avait reçu le Prix du Jury et le Prix de la Citoyenneté lors du Festival de Cannes 2018.

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    À l'intérieur d'un tribunal, Zain, un garçon de 12 ans, est présenté devant le juge. À la question : «  Pourquoi attaquez-vous vos parents en justice ? », Zain lui répond : « Pour m'avoir donné la vie ! ». Capharnaüm retrace l'incroyable parcours de cet enfant en quête d'identité et qui se rebelle contre la vie qu'on cherche à lui imposer.

    Zain vit ainsi avec ses parents, frères et sœurs dans un appartement insalubre et spartiate qui appartient à un marchand du quartier pour lequel travaillent les enfants pour pouvoir payer le loyer. Ils transforment aussi des médicaments en stupéfiants avant de les revendre quand ils ne sont pas contraints de mendier dans la rue. Dans leur vie ne subsiste ainsi aucune lueur, ni d’enfance, ni de joie, ni d’espoir, comme dans le regard de Zain qui, à lui seul, semble exprimer toute la colère et la détresse de ses frères et sœurs face à ce quotidien misérable. Il ne s’adoucit qu’en présence de sa sœur Sahar dont il comprend rapidement qu’elle va être vendue au boutiquier. Après avoir tenté en vain et avec opiniâtreté  de la sauver de cette terrible destinée, il s’enfuit…

    Dès les premiers plans, le regard buté, boudeur, déterminé, et d’une tristesse insondable du petit Zain accroche notre attention et notre empathie pour ne plus les lâcher jusqu’à la respiration finale. Avant cela, constamment en mouvement, la caméra épouse sa fébrilité, et son énergie portée par sa rage contre les adultes, contre son destin, contre le malheur et la violence qui constamment s’abattent sur lui et qui le contraignent à en devenir un bien avant l’heure.

    Nous suivons Zain dans le chaos poussiéreux, ce dédale tentaculaire qu’est le bidonville de Beyrouth, ce capharnaüm gigantesque et oppressant. Téméraire, il tente de survivre malgré la dureté révoltante de son quotidien. Sur son chemin, il rencontre Cafardman, personnage burlesque, lunaire, drôle et tragique, qui semble là pour nous rappeler  que « l’humour est la politesse du désespoir ».  Ainsi, dans ce capharnaüm, même les héros de l’enfance ont le cafard. Zain dort d’abord dans un parc d’attractions, celui où travaille Cafardman. Plans sublimement tristes de Zain qui erre dans ce lieu censé être de jeu et de joie devenu fantomatique et sinistre, comme un vestige de son enfance à jamais inaccessible et révolue. Il y rencontre une immigrée éthiopienne qui a quitté son travail d’employée de maison après être tombée enceinte. Elle élève seule Yonas, son bébé qu’elle entoure et grise d’amour, qu’elle cache aux autorités de crainte qu’ils ne soient expulsés.  A la tendresse dont elle entoure son bébé, s’opposent l’indifférence glaciale et même la violence et les coups que Zain a subis de la part de ses parents. Quand elle disparait, il s’occupe pourtant du bébé, le nourrit, le trimballe partout avec lui, et déploie une force admirable pour celui-ci. Leur duo improbable est poignant, d’autant plus que le bébé est d’une rare expressivité et que la réalisatrice en fait un personnage à part entière. Malgré tout ce qu’il a affronté et subi, ce petit homme qu’est Zain, malgré ce regard duquel semble avoir disparu toute candeur, conserve en lui une humanité salvatrice qu’il déploie pour s’occuper de Yonas comme un pied-de-nez à ce cercle vicieux de la violence et de l’indifférence et de l’absence de tendresse.

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    Les acteurs sont des non professionnels dont l'existence tragique ressemble à celle des personnages, et l’émotion qui se dégage du film en est décuplée. La réalisatrice s’est ainsi véritablement imprégnée  du réel. Elle  a effectué trois années de recherche et le tournage a duré six mois avec plus de 520 heures de rushes. Au premier rang des acteurs, Zain, qui porte le même prénom que son personnage, et qui se nomme Zain Al Rafeea, un petit Syrien de 14 ans, réfugié au Liban avec sa famille et découvert par une directrice de casting à Beyrouth.  Avec son naturel déconcertant, son énergie phénomènale, sa force, son regard noir et déterminé, il crève littéralement l’écran et nous emporte avec lui dans sa course folle contre le destin et contre cette roue du malheur qui semble tout emporter et broyer sur son passage, a fortiori l’humanité.

    Quand enfin ce capharnaüm s’apaise, la lueur d’espoir qu’il laisse entrevoir est sidérante d’émotion. Comme une démonstration et une plaidoirie implacables du petit Zain et de tous les enfants qu’il représente. Le regard final face caméra, face au monde, face à nous et le sourire esquissé sont parmi les plus beaux qu’il m’ait été donné de voir au cinéma. Une respiration, enfin, après cette étouffante descente aux Enfers sans répit, malheureusement celle que vivent tant d’enfants comme le petit Zain. Ce n’est pas pour rien que Nadine Labaki joue l’avocate qui défend Zain dans le procès qui l’oppose à ses parents. Rarement l’enfance maltraitée aura connu telle plaidoirie. Ajoutez à cela un souffle romanesque, une réalisation vive et inspirée et vous obtiendrez un film bouleversant d’une rare intensité et d’une force incontestable. Oui, un film humaniste et universel, et citoyen : indéniablement.

  • Critique de THUNDER ROAD à voir ce soir sur Ciné + club (Grand Prix du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2018)

    Critique extraite de mon compte rendu du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2018, à lire ici.

    44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville 91

    C’est à ce film atypique que le jury a choisi de décerner le grand prix, « un film insolite et si inventif, écrit, joué, produit et réalisé par un jeune homme à part », « quelle joie et quelle émotion d’assister à la naissance d’un artiste, à l’arrivée d’une comète qui suscite le rire et les pleurs avec une singularité qui nous bluffe, un film qui a le mérite de ne ressembler à aucun autre » a ainsi souligné la présidente du jury, Sandrine Kiberlain.

    thunder road

    Synopsis : L'histoire de Jimmy Arnaud, un policier texan qui essaie tant bien que mal d'élever sa fille. Le portrait tragi-comique d'une figure d'une Amérique vacillante.

    Thunder road est un film très différent des autres longs métrages de la compétition de ce 44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville. Très différent en apparence seulement. Comme les autres, il dépeint en effet un personnage englué dans une quotidienneté étouffante. Comme les autres, il appelle à une nécessaire évasion. La comparaison s’arrête là car en effet, Jim Cummings est « une comète » qui a débarqué sur la planète cinéma et risque de ne pas en partir de sitôt tant son talent (de cinéaste, d’auteur et d’acteur) crève l’écran. Tout commence par un sidérant plan-séquence de plus de dix minutes qui était au départ le sujet d’un court-métrage de Jim Cummings qui lui valut une récompense à Sundance en 2016. La caméra passe fugacement sur l’assemblée d’un enterrement avant de s’attarder sur le fils de la défunte vêtu de son uniforme de policier. Il commence alors un long monologue tandis qu’un lent travelling avant nous rapproche doucement comme pour mieux débusquer les fêlures de plus en plus apparentes au fur et à mesure que le discours fantasque se déroule. Et comme tout le reste du film, autant dans son montage que dans les réactions de son personnage, Thunder road nous embarque toujours là où on ne l’attend pas. Ainsi, nous n’entendrons jamais la chanson de Bruce Springsteen qui donne son nom au film (le radio cassette enfantin qui aurait dû le diffuser pendant l’enterrement ne démarrera jamais). Ce discours d’ouverture totalement décalé, entre digressions, larmes, et pas de danse totalement improbables, nous place d’emblée en empathie avec le personnage principal, totalement démuni face à ce deuil. Tenter de danser devant un cercueil, quelle belle et déchirante métaphore de l'existence, non ? Le personnage en question sera d’ailleurs de tous les plans. Et les réactions à ses fantaisies burlesques sont toujours ou presque hors champ. Il semble tenter en vain et seul contre tous de sortir de ce cadre (de cinéma et de vie) qui l’étouffe, ne lui laisse pas de répit, comme une distorsion de la réalité. Sa vie est en effet devenue un cauchemar. Dans ce cauchemar qui l’emprisonne, la folie n’est pas bien loin, qui guette. Son univers s’est écroulé avec la mort de sa mère et il ne sait plus comment gérer ses émotions dévastatrices que son éducation lui a probablement appris à masquer et qui le submergent. « On fait tous son deuil différemment on est tous uniques, il n'y a pas de bonne façon ou de mauvaise façon», entend-on dans la première partie du film qui est aussi la démonstration de cette impossibilité de faire face quand on est confronté à l’impensable. Thunder road, la chanson de Springsteen invite à découvrir le monde et à quitter la petite ville dont il est question comme un écho à ce « tu veux qu’on s’évade ? » de Jimmy Arnaud à sa fille. Certains spectateurs ou commentateurs y ont vu une farce tragi-comique. J’y ai surtout vu le bouleversant (et certes fantasque) portrait d’un homme désorienté et, au-delà, d’une Amérique déboussolée de laquelle une évasion semble possible, ou en tout cas un lendemain plus joyeux comme nous le dit cette ultime scène et ce regard final dans lequel passe une multitude d’émotions, nous étreignant nous aussi d’émotions. En plus de toutes les casquettes évoquées par Sandrine Kiberlain, Jim Cummings est aussi le musicien de son film…le tout pour un budget de 180000 euros. N’attendez pas pour découvrir ce film singulier. Je vous le garantis, vous serez à votre tour charmé par ce personnage aussi excessif que fragile, dérouté que déroutant, interprété par un artiste plein d’énergie et de fantaisie dont, sans aucun doute, ce film signe la prometteuse éclosion.

     

  • Compte rendu et palmarès des César 2019

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    « Je ne sais pas si j'ai manqué au cinéma français. Mais à moi, le cinéma français a manqué... Follement... Eperdument... Douloureusement... Et votre témoignage, votre amour me font penser que, peut-être, je dis bien ''peut-être'', je ne suis pas encore tout à fait morte... ». Comment oublier cette déclaration bouleversante d’Annie Girardot, lorsqu’elle reçut son César du meilleur second rôle féminin pour Les Misérables de Claude Lelouch, en 1996 ? Combien d’actrices, d’acteurs, de cinéastes à qui, depuis, aussi, le cinéma a dû manquer follement, éperdument, douloureusement ? Sans doute y en avait-il quelques-uns, ignominieusement oubliés et sans doute hypocritement salués ou ignorés par le monde du cinéma, à la mémoire parfois versatile,  parmi ceux que j’ai croisés vendredi dernier, Salle Pleyel (qui, au passage, sied bien mieux à la cérémonie que le Théâtre du Châtelet où elle avait lieu jusqu'en 2016), et qui se dissimulaient derrière le masque du bonheur et de l’insouciance pour cette occasion qui leur donnait l’illusion de pouvoir revenir sur le devant de la scène.  Même si vendredi dernier aucun moment d’émotion n’a égalé celui-ci, la cérémonie n’en a pas non plus été complètement avare.

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    Après le passage sur le tapis rouge et les deux heures habituelles de cocktail qui précèdent la cérémonie (dont je ne saurais mieux vous parler que dans la nouvelle de mon recueil de 16 nouvelles Les illusions parallèles qui s’y déroule), chacun a regagné sa place, le cœur battant avant l’annonce des nominations, certainement davantage encore pour ceux qui espéraient entendre retentir leurs noms au moment de l’annonce des lauréats.

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    Toujours, à cet instant, je me revois dans mon enfance, lorsque je regardais et commentais avec passion la cérémonie dans le salon familial et je repense aux moments d’émotion et de cinéma qu’elle a engendrés lorsque j’étais derrière l’écran ou dans la salle, aux films qui y ont connu un succès éclatant aussi, si nombreux depuis 1976, date de la première édition alors présidée par Jean Gabin qui remit cette année-là le César du meilleur film au Vieux fusil de Robert Enrico. L’année suivante, cette distinction fut remise à Monsieur Klein de Losey, l’occasion pour moi de vous recommander à nouveau ce chef-d’œuvre, plus que jamais nécessaire, a fortiori ces jours-ci (ma critique, ici).

    Parmi les films mémorables qui reçurent un grand nombre de récompenses figurent Le dernier métro (10 César), Cyrano de Bergerac, (10) Tous les matins du monde (7 césar), On connaît la chanson (7 césar), Un Prophète (9 César).

     Cette année, aucun film n’a obtenu autant de récompenses, pas même celui de Jacques Audiard qui n’a pas obtenu autant de récompenses pour ses Frères Sisters qu’il en avait obtenu pour Un Prophète. Il a néanmoins récolté 4 statuettes (pour 9 nominations), autant que Jusqu’à la garde  de Xavier Legrand.

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     Jusqu’à la garde méritait amplement 4 récompenses, un drame social haletant aux accents hitchcockiens dans lequel la violence conjugale est traitée comme un thriller étouffant, un film mis en scène et interprété magistralement, d'où une tension qui vous harponne dès la première seconde et qui va crescendo jusqu’à un dénouement aussi terrifiant que cinématographiquement remarquable.

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    Dans Les frères Sisters, Audiard lui aussi détourne des codes cinématographiques, en l’occurrence ceux du western en ce que son film présente plusieurs degrés de lecture. La violence héritée de leur père que manifestent les deux frères Sisters, c’est aussi celle de cette Amérique héritée des pères fondateurs. Pour trouver de l’or et donc s’enrichir, les compères vont polluer la rivière sans souci des conséquences sur l’environnement et sur leur propre vie. Des drames vont pourtant découler de cet acte métaphorique d’un capitalisme carnassier et impitoyable. Mais "les frères Sisters" est aussi un conte à la fois cruel et doux. Le dénouement est ainsi aussi paisible que le début du film était brutal. Il s’achève sur une note d’espoir. L’espoir d’une Amérique qui ouvre enfin les yeux, se montre apaisée et fraternelle. Si les frères Sisters, ces tueurs à gages sans états d’âme ont changé, qui ne le pourrait pas ? Tout est possible…Ajoutez à cela la photographie sublime de Benoît Debie (récompensée d’un César de même que le son, les décors et la réalisation), la musique d’Alexandre Desplat et vous obtiendrez un western à la fois sombre et flamboyant. Et d’une originalité incontestable. Retrouvez ma critique complète, ici.

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    Le grand bain qui avait obtenu autant de nominations que Jusqu’à la garde (10) est reparti avec une seule récompense, pour Philippe Katerine, meilleur acteur dans un second rôle, aussi décalé sur scène (joyeusement décalé même) que dans le film dans lequel il interprète un grand enfant lunaire, son discours a ainsi donné lieu à un des meilleurs moments de cette cérémonie. Dommage que le film de Gilles Lellouche n’ait pas reçu plus de récompenses, un vrai modèle de feel good movie, du genre à vous donner envie de rire et de pleurer en même temps, de battre la mesure, de danser avec les personnages (judicieuse bande originale indissociable de tout feel good movie), d’empoigner la vie, votre destin et vos rêves. Du genre à vous faire penser qu’on peut affronter des accidents de la vie, accepter d’en être brisé, blessé, de s’en relever sans que ce soit un challenge, ou une obligation, du genre à vous rappeler qu’il n’est jamais trop tard pour plonger dans le grand bain, pour penser qu’un nouveau départ ensoleillé est toujours possible, quels que soient votre âge, vos rêves déchus et vos blessures. Du genre à vous dire que le pouvoir du cinéma est sacrément magique quand il parvient à cela, que Gilles Lellouche est un cinéaste avec lequel il va falloir compter (dont je suis vraiment curieuse de voir la suite du parcours après cette success-story sur l’écran et dans les salles, méritée). Et puis, rien que pour me donner l’envie de relire ce chef-d’œuvre de Rilke qu’est Lettres à un jeune poète, Le grand bain valait la peine de se déplacer. Alors terminons avec cet extrait que Delphine (Virginie Efira) lit à ses élèves nageurs, et acceptons encore, comme des enfants que nous sommes toujours au fond un peu, d’être tristes et heureux : « Les enfants sont toujours comme l'enfant que vous fûtes : tristes et heureux ; et si vous pensez à votre enfance, vous revivez parmi eux, parmi les enfants secrets. Les grandes personnes ne sont rien, leur dignité ne répond à rien. »

    Dommage aussi que la cérémonie qui avait pourtant démarré en fanfare avec un Kad Merad se prenant pour Freddy Mercury se soit rapidement essoufflée avec des « gags » pas toujours très heureux à l’exception de ceux de Jérôme Commandeur qui rendait hommage à Betty Marmont, actrice fictive dont il a dressé le portrait avec une mordante ironie, et de Laurent Lafitte totalement et faussement lifté (à entendre le malaise dans la salle, certains ont bien cru ce lifting réel).

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    Regrettable est aussi cette manière désinvolte de remettre les César techniques, ce qui ne fait pas honneur à ces métiers d’art comme ils le mériteraient. C’est d’ailleurs d’un de ces César (costumes) qu’a dû se contenter l’excellent Mademoiselle de Joncquières, malgré ses 6 nominations (meilleure actrice pour Cécile de France, meilleur acteur pour Edouard Baer, meilleure photographie, meilleure adaptation, meilleurs costumes, meilleur décor). Cette adaptation d'un épisode de Jacques le Fataliste de Diderot (déjà adapté par Bresson avec la complicité de Cocteau sous le titre Les dames du bois de Boulogne) est pourtant savoureuse du premier au dernier plan, et surtout de la première à la dernière phrase. Les dialogues y sont d'une beauté, d'une richesse, d'un lyrisme, d'une ironie et d'une profondeur jubilatoires, d'autant plus que les acteurs jonglent avec les mots et les émotions avec un talent rare, au premier rang desquels Cécile de France qui passe en une fraction de seconde d'une émotion à l'autre. Elle est absolument sidérante de justesse en femme cruelle car et seulement car blessée au cœur. Si, comme moi, vous aimez "Les liaisons dangereuses" de Choderlos de Laclos, vous ne pourrez qu'être transportés par ce film finalement très moderne qui dresse le portrait de 4 femmes dont celle qui donne son nom au titre et qui, d'abord en arrière-plan et effacée, se révèle la plus passionnée et vibrante (sublime et si juste aussi Alice Isaaz). L'absence de nomination du réalisateur est incompréhensible tant sa réalisation est maligne, élégante sans pour autant être académique (tout le contraire) ! Les plans séquences et les judicieuses ellipses (ou quand deux livres symbolisent magnifiquement une scène d'amour), la façon de passer de l'extérieur à l'intérieur, tout est le reflet des âmes sinueuses ou tourmentées. Edouard Baer manie aussi la langue du 18ème avec brio et incarne avec une élégance tout en désinvolture ce libertin qui peu à peu découvre les affres de la passion après les avoir tant singées et s'en être si souvent lassé. Et une mention spéciale à Laure Calamy également remarquable en amie bienveillante. À savourer sans modération !

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    Pas même un César n’a été attribué à La Douleur d'Emmanuel Finkiel malgré ses 8 nominations. Un film âpre et glaçant. Troublant et nécessaire (a fortiori ces jours-ci, là aussi). Et cette fin, poignante, d'une infinie mélancolie, et cette "voix" de Duras, qui vous accompagnent longtemps après. Et puis Mélanie Thierry (nommée comme meilleure actrice), fiévreuse, enfiévrée de douleurs. Une douleur. Des douleurs. Celle des déportés, de familles qui attendent, d'une femme qui attend, celle de l'absence, omniprésente, obsédante, qui tétanise. Une remarquable et singulière adaptation qui brouille nos perceptions comme celles de Marguerite le sont alors, qui joue brillamment avec le son, le flou, les ellipses comme un écho aux pensées douloureuses et désordonnées de Marguerite. Un film intense, délicat qui a une âme, celle de Duras, sublimée par l'interprétation de Mélanie Thierry et par la mise en scène. Benoît Magimel (oublié des nominations) est aussi remarquable dans le rôle de l'inspecteur collabo, d'une obséquiosité inquiétante, fasciné par l'auteure avec laquelle il entre dans un jeu de manipulations trouble.

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    Le César du meilleur film étranger est revenu à la palme d'or du Festival de Cannes 2018,  Une affaire de famille de Koere-Eda.  Entre documentaire et fable, chaque plan filmé comme un tableau, sans esbrouffe, avec humilité, s’intéressant à nouveau plus que jamais à la famille, et traitant de la société japonaise sous un angle inédit (car critique et s’intéressant aux laissés-pour-compte d’un Japon en crise économique), Kore-Eda (qui a déjà en 13 films, tant de chefs-d’œuvre, à son actif), est ici au sommet de son art. Comme le titre semble nous l’indiquer, ce film est la quintessence de son cinéma, clamant dès celui-ci ce thème présent dans chacun de ses longs-métrages : la famille. Et quel film ! Un film d’une sensibilité unique. Des personnages bouleversants. Des blessés de la vie que la fatalité, la pauvreté et l’indifférence vont conduire à la rue et réunir par des liens du cœur, plus forts que ceux du sang. Une peinture pleine d’humanité, de nuance, de poésie, de douceur qui n’édulcore pas pour autant la dureté et l’iniquité de l’existence. Comme un long travelling avant, sa caméra dévoile progressivement le portrait de chacun des membres de cette famille singulière, bancale et attachante pour peu à peu révéler en gros plan leurs âpres secrets et réalités. Kore-Eda, plus que le peintre de la société japonaise est celui des âmes blessées et esseulées, et plus que jamais il fait vibrer nos cœurs par ce film d’une rare délicatesse et bienveillance, avec cette famille de cœur à l’histoire poignante jalonnée de scènes inoubliables et qui nous laissent le cœur en vrac. Du grand art. Le cinéaste japonais était malheureusement absent.

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    Heureusement, il y a eu l’émotion de Karin Viard, César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Les Chatouilles  dans lequel elle interprète la mère cassante et glaçante, sur les épaules de laquelle on imagine aussi peser un lourd passé  qui, même une fois la vérité révélée, au lieu de se révolter contre l’agresseur et d’entourer sa fille d’amour préfèrera lui reprocher, obsédée par ce que « diront les gens », un rôle que l’actrice définit comme celui  « épouvantable de mère si toxique qui condamne sa fille une deuxième fois en ne l'écoutant pas, en ne voulant pas la croire ». André Bescond et Eric Métayer ont également reçu le César de la meilleure adaptation après avoir également reçu le prix d’Ornano-Valenti lors du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville. Les Chatouilles est un film aussi lumineux et solaire que la réalité de l’héroïne est sombre et brutale. La fin est bouleversante parce qu’elle montre que la lumière peut se trouver au bout du tunnel. Si cela a autant bouleversé les festivaliers de Deauville  qui avaient réservé une retentissante standing ovation à l’équipe, c’est sans doute aussi parce que cette possibilité d’une résilience touche les victimes de toutes sortes de blessures intimes et de traumatismes.

    Heureusement, il y a eu aussi Léa Drucker, César de la meilleure actrice pour Jusqu'à la garde, et son beau discours lors duquel elle a notamment rappelé que « La violence commence par les mots et même si tous ces mots utilisés tous les jours, semblent ordinaires, banals, ils sont le début d'une menace ».  Jusqu'à la garde a également été récompensé des César du meilleur scénario original, du meilleur montage et du meilleur film. Dans son discours, Xavier Legrand qui avait déjà réalisé un court-métrage sur ce même sujet, a rappelé une effroyable réalité : « 25 femmes ont été assassinées depuis le début 2019. On est passé à 1 femme tuée sous les coups de son conjoint tous les 2 jours. Il faut penser aux victimes un autre jour que le 25 novembre ».

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    Heureusement, il y a eu les récompenses ( musique, acteur) pour Guy, un inénarrable Guy Jamet beaucoup plus mélancolique et moins léger qu'il n'y paraît, un film qui donne envie de se souvenir des belles choses, et un personnage magistralement inventé et interprété par Alex Lutz.

    Heureusement, il y a eu l’élégance de Kristin Scott Thomas qui présidait la cérémonie cette année.

    Heureusement, il y a eu la classe de Robert Redford recevant un César d’honneur des mains de la présidente de la cérémonie qui fut aussi sa partenaire dans L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux,  montant sur scène au son de l’inoubliable et poignante musique d’Out of Africa signée John Barry et revenant sur des souvenirs de jeunesse en France, quand il n’avait «pas d’argent, que de l’espoir ».

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    Photo de Robert Redford ci-dessus prise lors de la conférence de presse de "All is lost" au Festival de Cannes (un film dont vous pouvez retrouver ma critique, ici).

    Restent inexplicables les absences parmi les nommés de Sauver ou périr, de Gueule d'ange, de Sur le bout des doigts (en particulier pour son jeune interprète prénommé en meilleur espoir) et de Ma mère est folle (pour Fanny Ardant qui est absolument exceptionnelle). Aussi inexplicable me semble l'absence du Poirier sauvage comme meilleur film étranger, même si je me réjouissais par ailleurs des nominations de Capharnaüm, Cold war et  Une affaire de famille.  Sans doute les mystères insondables des « professionnels de la profession » que Godard avait remerciés en recevant son César d’honneur en 1987.

    Comme l’a si bien dit Robert Redford en recevant son César « tout à coup demain devient hier », alors n'oublions pas que le temps, cet insatiable, dévore tout. D'ailleurs, à l’heure à laquelle ont déjà été remis les Oscars et à l’heure à laquelle a déjà été annoncé le nom du Président du jury du Festival de Cannes 2019 (cf mon article suivant), ces informations sont déjà surannées. Alors, pour faire écho aux interrogations de Philippe Katerine lorsqu'il a reçu son prix, je vais m’en aller m’informer de ce que deviennent les personnages une fois les films finis, ou peut-être vais-je aller imaginer leurs vies… non sans vous avoir recommandé une nouvelle fois de découvrir les films évoqués dans cet article (de mon côté, je vais rattraper Shéhérazade qui a reçu les César du meilleur premier film, meilleur espoir masculin et meilleur espoir féminin, un film que j'avais manqué lors de sa sortie) car, quels que soient les défauts de cette cérémonie, si au moins elle peut donner envie aux téléspectateurs  de découvrir des films à côté desquels ils étaient passés, cela justifie déjà amplement son existence.

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    PALMARES :

     

    Meilleure Actrice

    Léa Drucker

     

    Meilleur Acteur

    Alex Lutz

     

    Meilleure Actrice dans un Second Rôle

    Karin Viard

    Les Chatouilles

     

    Meilleur Acteur dans un Second Rôle

    Philippe Katerine

     

    Meilleur Espoir Féminin

    Kenza Fortas

    Shéhérazade

     

    Meilleur Scénario Original

    Xavier Legrand

    Jusqu'à la garde

     

    Meilleure Adaptation

    Andréa Bescond

    Eric Métayer

    Les Chatouilles

     

    Meilleure Musique Originale

    Vincent Blanchard

    Romain Greffe

    Guy

     

    Meilleur Son

    Brigitte Taillandier

    Valérie de Loof

    Cyril Holtz

    Les Frères Sisters

     

    Meilleure Photo

    Benoît Debie

    Les Frères Sisters

     

    Meilleur Montage

    Yorgos Lamprinos

    Jusqu'à la garde

     

    Meilleurs Costumes

    Pierre-Jean Larroque

    Mademoiselle de Joncquières

     

    Meilleurs Décors

    Michel Barthélémy

    Les Frères Sisters

     

    Meilleure Réalisation

    Jacques Audiard

    Les Frères Sisters

     

    Meilleur Film de Court Métrage

    Les Petites mains

    réalisé par Rémi Allier

    produit par Pauline Seigland

     

    Meilleur Film d'Animation

    Vilaine fille (COURT MÉTRAGE)

    réalisé par Ayce Kartal

    produit par Damien Megherbi, Justin Pechberty

    Dilili à Paris (LONG MÉTRAGE)

    réalisé par Michel Ocelot

    produit par Christophe Rossignon, Philip Boëffard

     

    Meilleur Film Documentaire

    Ni Juge, Ni Soumise

    réalisé par Jean Libon, Yves Hinant

    produit par Bertrand Faivre

     

    Meilleur Premier Film

    Shéhérazade

    réalisé par Jean-Bernard Marlin

    produit par Grégoire Debailly

     

    Meilleur Film Étranger

    Une affaire de famille

    réalisé par Hirokazu Kore-eda

    distribution France LE PACTE

     

    Meilleur Film

    Jusqu'à la garde

    produit par Alexandre Gavras

    réalisé par Xavier Legrand

     

    César d'Honneur

    Robert Redford

     

    César du Public

    Les Tuche 3

    produit par Richard Grandpierre

    réalisé par Olivier BAROUX